Lorsque j’avais 8 ans, j’ai remarqué qu’un trou se formait dans une de mes molaires. Et régulièrement un peu d’aliments venaient s’y loger. A l’aide d’un miroir et d’une brindille de balai, je dégageais les restes que ma brosse à dents n’arrivait pas à faire partir.
C’était devenu une véritable obsession pour moi. En effet, chaque jour il fallait que je regarde ce trou dans ma dent. Il s’agrandissait de plus en plus, et cette situation m’inquiétait.
Il n’a pas fallu longtemps pour que je commence à ressentir des douleurs. Elles étaient passagères au début mais avec le temps, elles se sont aggravées. Compte tenu de la précarité dans laquelle nous étions et que connaissait la plupart des familles à cette époque, aller chez un dentiste était complètement hors de propos. Je n’avais pas d’autre choix que de supporter ma douleur, parce qu’il le fallait. Je regardais fatalement ce trou qui se creusait de jour en jour et duquel je retirais de plus en plus de détritus. Cependant, j’éprouvais néanmoins un sentiment de satisfaction lorsque je le faisais. Je ne sais pour quelles raisons, sûrement pour la sensation de soulagement ponctuel qui résultait de cette opération.
Le trou qui se formait n’était pas au centre de ma dent. Mais un peu sur le côté. Et avec le temps, la dent voisine qui la touchait directement a été comme « contaminée ». Aujourd’hui, je sais que ce n’était pas pertinent, mais à cette époque, c’était l’impression que j’avais. J’avais d’horribles douleurs, deux dents s’infectaient dans ma bouche sans que je ne puisse rien y faire.
Mes douleurs ont complètement modifié mon comportement naturel. J’étais devenu plus agressif envers les autres. Pour les mêmes raisons, j’étais régulièrement perdu dans mes pensées, possédé par mes douleurs. J’étais arrivé à un point où je méprisais toutes les autres peines. Elles me semblaient insignifiantes. Les écorchures et autres bobos de mon âge ne me disaient plus grand chose. Quand un autre enfant me disait avoir mal à cause d’une blessure par exemple, je ne ressentais rien pour lui. Je me disais dans mon cœur : “mon petit, tu ne connais rien de la souffrance“. Ou un truc du genre.
Je me roulais de douleur sur le sol en ciment de la maison que ma mère louait à l’entrée de la Gare de Bessengue à Douala. Je pensais que j’allais devenir fou. Fou d’une douleur intense, profonde, persistante.
Je recevais des paroles gentilles de mon entourage. « Des ‘assiah’, Trésor, ça va aller ». J’avais même des compliments flatteurs sur mon intelligence pour me faire oublier mon calvaire. Mais je me disais : « Les personnes intelligentes n’ont pas ce genre de choses ». Je me brossais pourtant les dents chaque jour. Était-ce le manque de dentifrice qui avait causé cela ? À moins que ce ne soient les bonbons ? Dieu sait que je n’en avais que rarement. Peut-être c’était une malédiction.
Malgré ma misère et ma douleur sans fin, j’avais un léger espoir. Mes molaires étaient encore des dents de lait. Tout n’était donc pas perdu. Avec un tout petit peu de chance, je pouvais m’en débarrasser sans rien faire du tout. Et c’est ce qui arriva: la première dent, celle qui était la plus touchée avait commencé à bouger.
Je ne pense pas avoir besoin de vous faire un dessin pour ce qui est passé par mon esprit. J’ai de ce fait vigoureusement encouragé cette dent à s’arracher. Je l’ai perdue. Enfin. Je l’avais examinée dans les moindres détails. J’avais entre les mains l’objet de ma souffrance. Le genre de souffrance qui vous fait ne penser qu’à elle comme si vous en étiez amoureux. La dent était bien amochée. Un immense trou s’y trouvait.
La deuxième dent n’a pas tardé à suivre le même chemin, Dieu merci ! Des mois de souffrance après -c’était peut-être des semaines, je ne sais plus- je me suis senti à nouveau léger.
J’avais naturellement jeté les deux dents sur notre toiture et j’avais sauté sur une jambe en chantant pour que mes dents repoussent.
Mes douleurs m’avaient quitté.
Il est assez simple d’identifier une douleur physique. S’il est facile de s’en débarrasser, pour les autres formes de douleurs, c’est une toute autre histoire. En effet, les douleurs mentales et les douleurs émotionnelles sont plus coriaces. Elles ne partent pas si facilement. Elles ont le pouvoir de contaminer tout votre esprit. Contrairement à mes dents qui sont quittées toutes seules, les douleurs émotionnelles ne disparaissent pas d’elles mêmes. Vous devez faire quelque chose. Vous devez reconnaître cette souffrance, essayez d’en identifier précisément la cause et entamer une démarche pour guérir.
Vos souffrances et vos blessures continuent de modifier votre comportement. Malgré ce que vous pouvez penser, vous n’êtes pas réellement vous-même à cause de ces blessures.
Imaginez quelqu’un qui a une plaie dans la paume de sa main. Une simple poignée de salutation le fera crier et se tordre de douleurs sans que la personne en face ne comprenne pourquoi. C’est ce qui arrive lorsque vous égratignez quelqu’un et qu’il se roule au sol comme un vers de terre qui à reçu un peu de sel, en criant « Chacun a sa sensibilité ». Ce sont des blessures mentales, rarement une question de sensibilité pure.
Si vous avez des douleurs émotionnelles, je sais que vous en avez, vous devez les trouver. Toutes. Pas juste en surface. Mais bien en profondeur, jusqu’à leurs racines.
- Oui, je souffre de la trahison de mon ex;
- Je souffre de l’abandon de mes parents;
- Je me sens humilié d’être pauvre et de ne pas pouvoir prendre soin de moi-même;
- Je souffre du rejet par certains de mes camarades qui me trouvent laide et « djouksa »;
- Oui, je suis victime d’injustice de la part de mon chef vis-à-vis de mes collègues.
Autant de blessures qui sont exacerbées par les médias et les réseaux sociaux qui accordent plus d’importance à ce qu’on voit, plutôt qu’à ce que les gens peuvent ressentir.
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Reconnaitre et identifier clairement ses douleurs émotionnelles constitue la première étape vers la guérison. Ce n’est en aucun cas un aveu de faiblesse ou d’échec. Le chemin est encore long, avec nos doutes et nos incertitudes, mais commencez par là est primordial pour se sentir mieux.
En conclusion, retenez que votre vie est traversée par de nombreuses douleurs qu’on arrive à les identifier clairement ou pas. Les douleurs physiques sont facile à repérer et à percevoir. En revanche, les douleurs mentales et émotionnelles, plus dévastatrices, sont plus profondes. Elles ont le pouvoir de modifier durablement votre attitude, vos habitudes, vos relations avec les autres et votre façon de voir le monde. Malheureusement cette modification est dans le sens négatif, la plupart du temps. Les gentils deviennent durs, les optimistes deviennent malheureux, les sympas deviennent indifférents etc. Vous n’êtes pas vraiment vous même si ce sont vos blessures qui dirigent votre vie. Je vous invite dès aujourd’hui à prendre un bout de papier et à recenser toutes vos blessures. Par la suite, vous devrez entreprendre une démarche pour redevenir la bonne personne que vous étiez avant tous vos traumatismes.
Dites-nous en commentaire parmi ces blessures, celles qui vous ont le plus affectées au cours de votre vie. Parmi elles, citez-en au plus 3 parmi le rejet, l’humiliation, l’abandon, l’injustice ou la trahison.
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La douleur est une compagne fidele sur le chemin de la sagesse. Beaucoup cherche à l’éviter comme les feuilles fuitent le vent d’automne. Pourtant c’est dans l’acceptation de cette souffrance que naît la véritable force.
Reconnaître l’étendu de ses blessures fait partie du processus de guérison. Il faut aussi tenir compte de son propre déni vis à vis de ses blessures ignorées ou mal soignées.
Très belle thématique, ça va énormément aider ces personnes qui ont toutes ces souffrances enfuie en elles.
Moi même j’ai été victime d’injustice pendant plus de 10 dans mon lieu de service, Dieu merci dès que j’ai identifié le problème et je me suis dirigé vers des formations qui m’ont amené vers un meilleur boulot.
Merci Willy.
Le rejet parce que je donne tout , l’humiliation parce que j’estime et je respecte les autres,la trahison je suis fidèle à mes principes et fidèle en amour
Sur le chemin de la guérison progressive de mes blessures émotionnelles. Ce n’est pas facile, mais j’y arriverai. Je sais au fond la belle personne que je suis !
Exactly les douleurs émotionnelles peuvent être profondément dévastatrices. Il m’arrivait parfois de me replier sur moi-même, ce qui, n’est pas la meilleure des solutions. Parmi celles qui m’ont le plus marquée, il y a le rejet, l’abandon et la trahison. Ce n’est qu’en apprenant à mieux me connaître après avoir passer un test de talents que j’ai commencé à puiser ma force en moi-même pour les surmonter.